Par la résolution 2787 (2025), le Conseil de sécurité a prolongé jusqu’au 15 janvier 2026 l’obligation de rapports mensuels du Secrétaire général sur les attaques menées par les Houthis contre les navires marchands en mer Rouge. Ce suivi renforcé s’inscrit dans un contexte de tensions accrues autour de la liberté de navigation, des frappes américaines au Yémen et des débats sur la licéité des réponses militaires au regard du droit international.
Un dispositif de suivi consolidé par la résolution 2787 (2025)
Le 15 juillet 2025, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté la résolution 2787 (2025), qui prolonge la demande adressée au Secrétaire général de fournir des rapports écrits mensuels sur les attaques menées par le mouvement houthi (Ansar Allah) contre les navires marchands et commerciaux en mer Rouge jusqu’au 15 janvier 2026. Cette obligation de rapport avait été initialement instaurée par la résolution 2722 (2024) du 10 janvier 2024, puis prolongée par la résolution 2739 (2024) du 27 juin 2024 et par la résolution 2768 (2025) du 15 janvier 2025.
La résolution 2787 (2025) a été adoptée par 12 voix pour, aucune contre, et 3 abstentions (Algérie, Chine, Fédération de Russie). Le texte, coparrainé notamment par les États-Unis et la Grèce, s’inscrit dans la continuité des résolutions 2216 (2015), 2722 (2024), 2739 (2024) et 2768 (2025), qui condamnent les attaques houthis contre la navigation commerciale et rappellent les obligations des États en matière d’embargo sur les armes à destination des Houthis.
Contexte : attaques houthis et liberté de navigation en mer Rouge
Depuis la fin de l’année 2023, les Houthis mènent des attaques répétées contre des navires transitant par la mer Rouge et le détroit de Bab el-Mandeb, justifiant ces opérations comme des actes de solidarité avec la population palestinienne de Gaza. Le Conseil de sécurité a qualifié ces attaques de menaces graves pour la paix et la sécurité internationales, en raison de leur impact sur la liberté de navigation et sur les chaînes logistiques mondiales, la mer Rouge constituant un passage stratégique vers le canal de Suez.
Les résolutions successives du Conseil ont exigé l’arrêt immédiat de ces attaques, la libération du navire Galaxy Leader et de son équipage, et ont rappelé l’interdiction de transférer des armes ou des composants militaires aux Houthis en violation de l’embargo établi par la résolution 2216 (2015). La résolution 2787 (2025) réaffirme ces exigences et insiste sur la nécessité d’un suivi rapproché de la situation par le Secrétaire général.
Le contenu juridique de la résolution 2787 (2025)
Prolongation de l’obligation de rapports mensuels
Le cœur du dispositif réside dans l’extension, jusqu’au 15 janvier 2026, de la demande faite au Secrétaire général de présenter des rapports mensuels sur :
- les attaques houthis contre les navires marchands et commerciaux en mer Rouge ;
- l’utilisation d’armes avancées et de vecteurs (missiles, drones) dans ces attaques ;
- les incidences de ces actes sur la sécurité maritime et le commerce international.
Ces rapports, transmis au Conseil de sécurité, alimentent la base factuelle des délibérations et peuvent servir de support à d’éventuelles mesures ultérieures, y compris en matière de sanctions ciblées ou de saisine d’autres organes onusiens.
Rappels aux obligations des États membres
La résolution rappelle expressément les obligations des États membres de respecter l’embargo sur les armes visant les Houthis et de s’abstenir de tout transfert direct ou indirect d’armements, de pièces détachées ou de technologies susceptibles de contribuer à leurs capacités militaires. Elle s’inscrit ainsi dans la logique du régime de sanctions établi au titre du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, déjà consolidé par les résolutions 2140 (2014) et 2216 (2015), récemment prorogé par la résolution 2801 (2025).
Le texte réaffirme également les principes de la liberté de navigation et de la sécurité des routes maritimes, considérés comme des éléments essentiels de la stabilité économique mondiale. Il condamne les attaques visant des navires civils, indépendamment de leur pavillon ou de la nationalité de leur équipage, et souligne que ces actes peuvent constituer des violations graves du droit international, y compris du droit international humanitaire et du droit international de la mer.
Positions des membres du Conseil et critiques des frappes américaines
Les soutiens : sécurité maritime et lutte contre le terrorisme
Les États ayant voté en faveur de la résolution – parmi lesquels les États-Unis, la Grèce, la France, le Royaume-Uni ou encore la Sierra Leone – ont mis l’accent sur la nécessité de protéger la liberté de navigation et de répondre à ce qu’ils qualifient de tactiques terroristes des Houthis. Les représentants américain et grec ont notamment rappelé les attaques récentes contre les navires MV Magic Seas et MV Eternity C, qui ont entraîné des pertes humaines et le naufrage des bâtiments, illustrant la gravité de la menace pour les marins civils et pour la sécurité économique mondiale.
Pour ces États, la prolongation du mécanisme de rapport mensuel renforce la transparence, permet une meilleure évaluation des risques et soutient la mise en œuvre des régimes de sanctions existants. Elle est également perçue comme un instrument de responsabilisation des Houthis et de leurs soutiens extérieurs, en particulier au regard des transferts d’armes et de technologies.
Les abstentions : dénonciation d’un texte jugé déséquilibré
La Russie, la Chine et l’Algérie se sont abstenues, critiquant un texte qu’elles estiment déséquilibré. Ces délégations ont reproché à la résolution de se concentrer quasi exclusivement sur les attaques houthis, sans prendre suffisamment en compte le contexte régional, notamment les frappes aériennes américaines (et, dans certains cas, britanniques) menées sur le territoire yéménite en réponse aux attaques en mer Rouge.
Ces États ont invoqué le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Yémen, estimant que les opérations militaires unilatérales, menées sans mandat explicite du Conseil, soulèvent de sérieuses questions au regard de la Charte des Nations Unies, en particulier des articles 2 §4 (interdiction du recours à la force) et 51 (légitime défense). Ils ont également souligné la nécessité de traiter les causes profondes du conflit yéménite et de la crise régionale, y compris le lien avec la situation à Gaza.
Enjeux de droit international pour les praticiens
Articulation entre sécurité collective et légitime défense
La situation en mer Rouge met en lumière l’articulation complexe entre les mécanismes de sécurité collective du Conseil de sécurité et les invocations unilatérales de la légitime défense par certains États. Si les résolutions 2722 (2024), 2739 (2024), 2768 (2025) et 2787 (2025) condamnent les attaques houthis et renforcent la surveillance, elles ne confèrent pas expressément d’autorisation de recourir à la force contre les Houthis.
Les États menant des frappes au Yémen invoquent généralement la légitime défense individuelle ou collective pour protéger la liberté de navigation et leurs navires. Cette justification est discutée en doctrine, notamment quant à la qualification des attaques houthis comme « attaque armée » au sens de l’article 51 de la Charte, à la question de l’imputabilité (rôle de l’Iran) et au respect des conditions de nécessité et de proportionnalité. Les critiques formulées par certains membres du Conseil illustrent ces tensions interprétatives.
Responsabilité internationale et perspectives contentieuses
Les rapports mensuels du Secrétaire général, prolongés jusqu’en janvier 2026, constituent une source d’information potentiellement déterminante pour d’éventuels contentieux futurs, qu’il s’agisse :
- de procédures devant la Cour internationale de Justice (CIJ) relatives à l’usage de la force, à la liberté de navigation ou à la responsabilité d’États tiers ;
- de mécanismes d’enquête ou de documentation en vue de poursuites pénales internationales ou nationales pour crimes de guerre, en cas d’attaques délibérées contre des civils ou des biens de caractère civil ;
- de litiges commerciaux ou d’assurance liés aux pertes subies par les armateurs et affréteurs.
Pour les praticiens du droit international public, le suivi renforcé décidé par la résolution 2787 (2025) offre ainsi un observatoire privilégié des interactions entre sécurité maritime, sanctions, responsabilité des États et recours à la force. Il conviendra de surveiller l’évolution des rapports mensuels et les éventuelles initiatives du Conseil de sécurité à l’approche de l’échéance du 15 janvier 2026.





