L’intervention d’un État dans un autre pays est l’un des sujets les plus sensibles du droit international. D’un côté, le principe de souveraineté des États interdit toute ingérence extérieure dans les affaires internes d’un pays. De l’autre, la communauté internationale invoque parfois des justifications humanitaires, sécuritaires ou économiques pour justifier des interventions.
Quelles sont les règles de droit international qui encadrent ces interventions ? Dans quels cas une ingérence est-elle légale ou illégale ?
Le principe fondamental de souveraineté des États
Le principe de souveraineté est un pilier du droit international. Il repose sur l’idée que chaque État est maître de son territoire et de ses affaires internes.
Ce principe est affirmé dans plusieurs textes internationaux :
- Article 2(4) de la Charte des Nations Unies (1945) : « Les Membres de l’Organisation s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État ».
- Déclaration sur les principes du droit international (1970) : elle confirme l’interdiction d’intervenir dans les affaires d’un autre État.
📌 Conséquence : En principe, aucun État ne peut intervenir militairement, économiquement ou politiquement dans un autre pays sans son consentement.
Les exceptions à la non-ingérence : quand un État peut-il intervenir ?
1️⃣ Légitime défense (article 51 de la Charte de l’ONU)
Un État peut utiliser la force en cas d’attaque armée contre lui. Il s’agit du seul cas où un recours unilatéral à la force est autorisé.
✅ Conditions légales :
- L’attaque doit être réelle et en cours (pas de légitime défense préventive).
- La riposte doit être proportionnée à l’agression.
- L’État doit notifier immédiatement le Conseil de sécurité de l’ONU.
📌 Exemple : Les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001
Ils ont invoqué la légitime défense pour justifier leur intervention militaire en Afghanistan contre les Talibans qui protégeaient Al-Qaïda.
2️⃣ L’autorisation du Conseil de sécurité de l’ONU
L’ONU peut autoriser une intervention militaire si elle estime qu’un conflit menace la paix et la sécurité internationales.
✅ Conditions légales :
- Il faut une résolution adoptée par le Conseil de sécurité (article 42 de la Charte de l’ONU).
- Cette résolution doit être approuvée par au moins 9 des 15 membres du Conseil et sans veto des 5 membres permanents (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni).
📌 Exemple : Intervention en Libye (2011)
Le Conseil de sécurité a adopté la résolution 1973 pour autoriser une intervention militaire afin de protéger les civils contre les forces de Kadhafi.
❗ Limite : Le veto des grandes puissances peut bloquer une intervention
- Ex. : La Russie et la Chine ont bloqué plusieurs résolutions sur la Syrie.
3️⃣ L’intervention humanitaire : protéger les populations civiles
Un État peut-il intervenir pour empêcher des crimes de guerre, un génocide ou des violations massives des droits humains ?
C’est l’idée du « droit d’ingérence humanitaire », qui reste controversée en droit international.
📌 Exemple : Intervention de l’OTAN au Kosovo (1999)
L’OTAN a bombardé la Serbie sans autorisation de l’ONU, en invoquant la nécessité d’arrêter les crimes contre les Albanais du Kosovo.
✅ Arguments en faveur :
- Protéger les populations civiles contre les massacres (principe de la « Responsabilité de protéger »).
- Empêcher des crimes de guerre et des génocides (ex. : Rwanda, Srebrenica).
❌ Arguments contre :
- Contourne le droit international et ouvre la porte à des interventions arbitraires.
- Peut être utilisé comme prétexte pour des intérêts politiques ou économiques.
Aujourd’hui, la « Responsabilité de protéger » (R2P), adoptée par l’ONU en 2005, vise à encadrer ces interventions pour éviter les abus.
4️⃣ L’intervention à la demande du gouvernement légitime
Un État peut demander une aide militaire étrangère si son gouvernement légitime en fait la demande.
📌 Exemple : L’intervention de la Russie en Syrie (2015)
Le gouvernement syrien de Bachar al-Assad a officiellement demandé l’intervention de la Russie contre les groupes rebelles et djihadistes.
✅ Arguments en faveur :
- Respecte la souveraineté nationale (puisque c’est l’État lui-même qui demande l’aide).
❌ Arguments contre :
- Certains considèrent que le gouvernement en place n’a plus de légitimité en raison de violations massives des droits humains.
Les interventions illégales et controversées
Dans certains cas, des États interviennent sans autorisation de l’ONU et sans légitime défense claire. Ces actions sont généralement considérées comme des violations du droit international.
📌 Exemples d’interventions contestées
- Invasion de l’Irak (2003) : Les États-Unis et le Royaume-Uni ont envahi l’Irak sans mandat de l’ONU, en invoquant la menace des armes de destruction massive (jamais retrouvées).
- Annexion de la Crimée par la Russie (2014) : La Russie a envoyé ses forces en Ukraine sous prétexte de protéger la population russophone, une justification jugée illégale par la communauté internationale.
Tableau récapitulatif : les types d’intervention d’un État dans un autre pays
Type d’intervention | Légalité en droit international | Exemple historique |
---|---|---|
Légitime défense | Autorisée si attaque armée prouvée | Guerre d’Afghanistan (2001) |
Autorisation de l’ONU | Légale si résolution du Conseil de sécurité | Intervention en Libye (2011) |
Ingérence humanitaire | Controversée, dépend du contexte | Kosovo (1999) |
À la demande du gouvernement | Légale si le gouvernement est légitime | Russie en Syrie (2015) |
Sans justification légale | Violation du droit international | Invasion de l’Irak (2003), Crimée (2014) |
Conclusion
Le droit international repose sur l’interdiction de l’ingérence dans les affaires internes d’un État. Pourtant, des exceptions existent, notamment en cas de légitime défense, de mandat de l’ONU ou d’intervention humanitaire.
Mais dans la pratique, ces interventions restent souvent motivées par des enjeux géopolitiques et économiques. Les États les plus puissants utilisent parfois ces justifications pour servir leurs propres intérêts, ce qui crée des tensions et des conflits diplomatiques.
L’équilibre entre souveraineté nationale et protection des populations reste l’un des défis majeurs du droit international.